Le 13 mai, une vingtaine de personnes sont venues au temple pour écouter Dominique
Cantryn, professeur d’histoire, nous parler des résultats de ses recherches généalogiques
qui lui ont permis de découvrir une communauté protestante vivant près de Longvilliers
au XVIIème siècle.
Jusque-là, la présence de protestants dans cette région était totalement niée par
les chercheurs ; si Philippe de Mornay était devenu le seigneur du Plessis en 1559,
il n’aurait pas fait de disciples. On pensait que les protestants habitaient plutôt
les villes ; ils auraient été 30 000 à Paris vers 1560. La région de Dourdan était
active : élevage ovin important, artisanat, industrie du bas de soie à Dourdan, commerce
(la route des blés de la Beauce vers Paris passait par là), mais elle a beaucoup
souffert lors des guerres de religion : siège de Dourdan par des mercenaires allemands
(les archives de la ville ont brulées en partie), épidémies de peste, famines …
C’est en 1601 que le culte a été établi par Philippe de Mornay, un grand militaire,
diplomate érudit, grand homme de la renaissance qu’on appelait « le pape des huguenots ».
Un temple a sans doute été construit dès cette date et les pasteurs desservaient
plusieurs paroisses. Mais les registres paroissiaux protestants ont disparu et, si
les registres catholiques subsistent (l’état civil tenu par l’Eglise jusqu’en 1789)
ils sont souvent incomplets. Les registres notariaux peuvent être intéressants.
Vers 1665-1685, 200 à 300 familles, catholiques ou protestantes, vivaient autour
du château du Plessis, en bonne intelligence semble-t-il car des mariages sont notés
entre ces familles. Les protestants vivaient souvent dans des hameaux, un peu à l’écart,
comme Bouc Etourdi au nord de Dourdan. Il s’agissait de fermiers, de gardes des bois,
de marchands de bois ou de fruits... et ils se déplaçaient beaucoup. A Saint Arnoult
en Yvelines vivaient des armuriers, des vignerons, des tanneurs....
Des persécutions commencent dès 1659 quand des édits et ordonnances royales interdisent
certaines activités aux protestants et décident que 7 ans sera considéré comme l'âge
du discernement. Mais les dragonnades sévissent avant et après 1685, date de la révocation
de l'Edit de Nantes par l'édit de Fontainebleau : les temples sont démolis, surtout
en Eure-et-Loir, la surveillance se développe, les pasteurs doivent abjurer ou quitter
la France dans les 15 jours et les protestants doivent abjurer collectivement. Les
années 1686-87 sont très difficiles : les « nouveaux catholiques » doivent faire
leurs Pâques, c'est-à-dire se confesser, leurs enfants sont baptisés par les curés,
les mariages et enterrements doivent se faire à l'église selon les rites catholiques.
Certains abjurent pour pouvoir être enterrés au cimetière ou pour sauvegarder leurs
biens car les protestants, n'ayant plus d'état civil, ne sont pas considérés comme
mariés et leurs enfants, n'ayant pas été baptisés à l'église, ne peuvent hériter
et les biens reviennent à l'État. On note parfois plusieurs abjurations pour la même
personne ! D'autres se cachent, beaucoup continuent à lire la Bible en cachette mais
en famille. Pour éviter de se marier à l'église, ils signent des contrats devant
notaires.
A partir de 1696, on retrouve des actes : des enfants abjurent à l'âge de 10-12 ans.
On les retrouve à l'âge de 20-25 ans quand ils se marient et font baptiser leurs
enfants. Certains curés sont belliqueux mais d'autres sont plus ou moins accommodants
et acceptent de baptiser, marier ou enterrer des gens qu'ils n'ont jamais vus à l'église.
Dans ce cas, quand le prêtre rédige un acte de baptême, il n'indique pas « issu du
légitime mariage de... ».
D’autre protestants, habitués à voyager, sont partis à l'étranger, en Angleterre
où ils ont souvent pris un nom anglais car on se méfiait de ces étrangers. On suit
ces familles jusqu'en 1720. La famille Marais est partie en Afrique du Sud où elle
a créé un vignoble. Des descendants de cette famille viennent aujourd'hui régulièrement
visiter le Marais du Plessis.
Depuis 2009 l'orangerie du Château du Marais, près de Saint Chéron, abrite une exposition
intéressante « Le chemin des Huguenots ; sur les traces d'une communauté oubliée
». On peut y voir des cartes anciennes de la région et des copies des documents retrouvés
par Madame Cantryn aux archives, dans les registres paroissiaux catholiques ou notariaux.
Le Château du Marais lui-même s'élève sur le site d'un château-fort qui appartint
à Sully et dont il ne reste que les douves et le donjon. Construit à la fin du XVIIIe
siècle, il est considéré comme le plus beau château Louis XVI de France. La Duchesse
de Talleyrand l'acquit en 1899 et en commença la restauration qui fut poursuivie
par sa fille, Violette de Talleyrand-Périgord, épouse de Gaston Palewski, ancien
directeur du cabinet du général de Gaulle, membre de l'Institut, ancien ministre
d'Etat et président du Conseil constitutionnel. Ce sont actuellement les enfants,
nés d'un premier mariage de Violette, qui en sont propriétaires et c'est la famille
de Madame Anna de Bagneux qui l'habite. Il ne se visite pas mais les jardins à la
française, le parc magnifique, l'orangerie et un musée dédié aux anciens propriétaires
du domaine et à leurs visiteurs célèbres, sont ouverts au public l'après-midi des
dimanches et jours fériés.
Petits rappels d’histoire (Source Wikipédia) :
- L’édit de Nantes signé le 13 avril 1598 par Henri IV reconnaît la liberté de culte
aux protestants.
- A partir des années 1660 une politique de conversion est menée par Louis XIV. Elle
s’exerce par un travail missionnaire mais aussi par diverses persécutions comme les
dragonnades (obligation aux familles protestantes de loger un dragon, membre d’un
corps de militaires, au frais de la famille protestante).
- L’Edit de Nantes fut définitivement révoqué le 22 octobre 1685 par l’Edit de Fontainebleau.
Cette révocation va provoquer l’exil de nombreuses personnes dont beaucoup d’artisans
ou membre de la bourgeoisie et des soulèvements armés de protestants (guerre des
camisards des Cévennes).
- Louis XVI en 1787 institue l’Edit de Versailles qui mit fin aux persécutions. Il
faudra attendre 1789 pour que le protestantisme retrouve totalement le droit de cité.